dimanche 11 mars 2012

la grande peur Mélenchon

Voici un article paru sur Agoravox, qui analyse deux "évènements" qui se sont produits la même semaine : l'histoire de la viande Halal (FN-UMP) la nouvelle tranche d'imposition proposée par Hollande sous un angle somme toute intéressant pour en comprendre le sens.

Une grande peur étreint les deux candidats UMP/PS à la présidentielle. Cette frousse porte un nom, elle s'appelle Jean Luc Mélenchon. Bien sûr, ils ne le diront jamais de manière explicite. Mais les deux évènements médiatiques qui marquent la campagne présidentielle de la dernière quinzaine, à savoir, la polémique du halal reprise par notre président candidat, et la taxe de 75% de tout revenu dépassant le million d'euros proposée par Hollande doivent se lire dans cette perspective de la trouille géante qui les a saisi. Décryptage.

D'abord un petit rappel de dates : le 16 février l'émission Envoyé spécial fait un reportage sur les abattoirs d'ile-de-france et dévoile les pratiques halal usitées dans ces abattoirs. Le 18 février la walkyrie du FN lance la polémique avec sa légèreté coutumière et son usage systématique du mensonge qui consiste à masquer son racisme récurrent à l'encontre des maghrébins sous le prétexte de défendre les animaux et de militer contre des souffrances inutiles. Noble combat s'il en est, nous ne le nierons pas, mais nous afficherons notre scepticisme quant à sa sincérité toutefois lorsque ce discours émane de celle qui n'a pas de scrupules à proposer le rétablissement de la peine de mort. Fermons le ban.

Le 21 février lors d'une visite à Rungis notre Président pour une fois bien inspiré a ces mots : "la polémique n'a pas lieu d'être... On consomme chaque année en Ile-de-France 200 000 tonnes de viande et il y a 2,5% de viande casher et halal." Point, passons à autre chose.

Et soudain patatras, le vendredi 2 mars, l'inénarrable Guéant critiquant la proposition du droit de vote des étrangers aux élections locales proposé par le programme Hollande nous donne un argument imparable et auquel personne n'avait encore pensé sans doute à part les allumés du Front national, argument selon lequel, cette mesure risquait d'avoir pour conséquence de "rendre obligatoire la présence de nourriture halal dans les cantines scolaires". Le samedi 3 mars, meeting à Bordeaux, Sarko remet le sujet sur le tapis en réclamant la traçabilité de la viande casher et halal par son étiquetage.

Pourquoi ce revirement, qu'il assumera avec l'aplomb qu'on doit lui reconnaître entre ses multiples talents, puisque le 5 mars, en déplacement à St Quentin il a cette phrase inoubliable qui laisse médusés les commentateurs ainsi sans doute qu'un bon nombre de ses partisans : "le premier sujet de préoccupation, de discussion des Français, c'est cette question de la viande halal". Le soir même Fillon déclare sur Europe 1 que les rituels d'abattage sont "des traditions ancestrales qui ne correspondent plus à grand chose". Que s'est-il passé et quelle mouche les a piqués ?

Entre temps, le 27 février Hollande annonce à Paroles de Candidats sur TF1 qu'il créera une nouvelle tranche d'impôt pour les rémunérations dépassant le million d'euros annuel, annonce qu'il sort littéralement de son chapeau puisque le responsable de la fiscalité au sein de son état-major n'est visiblement pas au courant, ce qui lui vaut de passer une très mauvaise soirée chez Calvi à l'émission C dans l'air. Ce n'est jamais agréable de passer pour celui à qui on ne dit rien sur le sujet dont on est censé être le responsable, et NKM présente sur le plateau de Calvi ce soir là ne se prive pas de se payer sa tête... Je subodore que les échanges téléphoniques et autres entre Hollande et son lieutenant ont dû être chauds ce soir là et même après...

Il nous faut prendre la mesure de la déclaration de Hollande car elle est réellement surprenante de sa part. Voilà un candidat qui annonce dans son programme que la tranche d'impôt sur le revenu la plus élevée n'excèdera pas 45% (Même Raffarin avait fait mieux avec 47%) et qui nous disait il y a à peine un an qu'il était contre ce qu'il appelait lui même un "impôt confiscatoire" dans un entretien à Médiapart où il était confronté à Thomas Piketty. Passons sur le fait que cette mesure des 75% est fiscalement inefficace et surtout qu'elle ne s'articule sur aucun projet fiscal cohérent. Sauter directement de 45% à 75% pour un impôt censé être progressif, c'est pour le moins curieux et si nous étions méchant, nous rajouterions même fortement incohérent... Bref...

Donc deux événements (situés dans la même semaine), largement relayés par les médias et commentés ad nauseam par nos journalistes officiels qui distribuent la bonne parole et la bonne pensée au troupeau d'ignorants que nous sommes. Le Monde par exemple donne son explication des deux événements qui ont pour point commun, chacun à sa façon, d'exprimer un revirement, un demi-tour de 180º par rapport aux positions antérieures des acteurs concernés.

Ainsi selon Le Monde, si Sarkozy change d'avis sur le halal, c'est à la suite d'un improbable sondage IFOP paru dans Paris-Match le 2 mars qui stipule que pour la tranche d'âge au dessus des 65 ans, la polémique sur la viande halal aurait tourmenté 56% de cette population. Poussé par son conseiller ex FN Patrick Buisson, Sarko se serait ainsi rallié de nouveau à une stratégie de stigmatisation frontiste des musulmans Français. Ici.

Pour Hollande, Le Monde est dans l'obligation sous peine de dépasser les bornes en matière de partialité d'évoquer le revirement du candidat socialiste, mais prête à Hollande toutefois (en contradiction absolue avec la tête de Cahusac chez Calvi) une intention murie depuis plusieurs jours.

A chaque fois l'explication insiste sur le fait que c'est la situation de l'opinion des Français face à un débat (Halal) ou la situation économique (augmentation de la rémunération des patrons du Cac 40 pour Hollande) qui aurait motivé leurs revirements inattendus. je vous propose une autre explication, sans doute plus triviale et plus dérangeante pour les candidats et les chiens de garde qui tentent de sauver le navire du libéralisme financier en France.

Les Renseignements Généraux n'existent plus en France depuis le 1er juillet 2008 et ont été fusionné avec la DST pour devenir la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur). Toutefois, cette nouvelle appellation n'a pas mis fin à leurs anciennes missions dont l'une est de mesurer l'opinion.

Or, il s'avère que à la mi février un sondage donnait Mélenchon à 13% (oui à 13% !!) d'intentions de vote. Cette info m'a été fournie par un fonctionnaire des RG et néanmoins ami qui travaille dans une petite préfecture de la Grande Région Parisienne, environ 80km de la capitale. Lorsqu'on sait que des notes bimensuelles appelée "note d'opinion" atterrisent sur le bureau du 1er ministre et du président très vite, lorsqu'on sait également que le système informatique appelé Salamandre "un programme informatique puissant, rapide et fiable de résultats de vote partiels" et l'office centrale de statistiques et de sondages (OCSS) fournissent des informations particulièrement sérieuses sur l'état de l'opinion en France, on a une meilleure compréhension de conduites des candidats, conduites apparemment incompréhensibles si on en reste aux explications laborieuses de nos journalistes assermentés par la classe dominante. il est en effet aisé de croire que si les infos parviennent à Sarkozy, par des fuites elles arrivent aussi au PS qui dispose de relais dans toutes les administrations comme cela se conçoit dans une démocratie.

Le candidat du FdG est en effet, en train d'effectuer une percée fulgurante dans l'opinion en dépit des obstacles médiatiques disposés sur son chemin de campagne, obstacles résumés dans deux vidéos qui sont disponibles sur Dailymotion et Agora-vox.

Son succès tient bien entendu à ses qualités incontestables de tribun et d'orateur, mais pas seulement. On pourrait croire qu'il ne séduit qu'à gauche et particulièrement au sein de la classe laborieuse ouvrière. Rien n'est plus faux. Et c'est bien cela qui fait peur à Sarkozy et Hollande. L'un choisit pour répondre, de reprendre le discours clivé bien à droite sur l'immigration (tactique traditionnelle de sa part) et l'autre est obligé de lâcher du lest sur sa gauche, alors qu'il ambitionne d'obtenir la médaille d'or du candidat de la tiédeur voire de la compromission (et non du compromis qui reste honorable et nécessaire dans une démocratie).

De fait, une population inattendue de petits entrepreneurs, d'artisans, de cadres, d'ingénieurs se retrouvent derrière le projet du FdG, au delà des clivages habituels et trés stéréotypés véhiculés par une caste médiatique plus friande de propagande que du souci d'informer et d'aider à la compréhension les citoyens qui les lisent, les écoutent et les regardent.

Mélenchon est en train de réaliser l'union de classe d'une grande partie des salariés de ce pays, mais également de beaucoup d'entrepreneurs (et non les capitalistes) et de cadres d'entreprises qui commencent à saisir, alors qu'ils sont étranglés par les banques et les diktats de la classe financière, que les intérêts du MEDEF et du CAC40 ne correspondent pas nécessairement à leurs intérêts de dirigeant de PMI.

L'info sur les 13% datant du 14 février, pour moi, il n'est pas difficile de penser que la fin du mois a vu encore une progression ce qui a suscité grands tourments chez certains et a eu les conséquences que l'on sait. La cohérence du programme du FdG en plus des qualités individuelles du candidat y est pour beaucoup. Et, cela nous montre encore une fois, comme ils auraient dû l'apprendre par le vote contre le TCE, que les citoyens de ce pays ne se résument à des beaufs incultes torchés au pastis le dimanche en commentant les paris hippiques, mais des hommes et des femmes capables de réfléchir, d'évaluer, comparer et hiérarchiser les discours proposés. le système voudrait nous voir comme un troupeau bovin intéressé par le pinard, le cul et le sport... Si cela nous intéresse (mais eux aussi, si je me rappelle d'un certain sofitel à New-York), cela ne nous empêche pas de disposer d'un cerveau, et nous ne fixons pas nos décisions uniquement à partir de nos organes de reproduction.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :


1) Ecrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessous
2) à côté de Commentaire :, choisir Nom/URL
3) Saisir votre nom (ou pseudo) après l'intitulé Nom
4) Cliquer sur continuer puis sur publier